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Intelligence artificielle : « Préparons-nous, car nous n'en sommes qu'au début »

Jean-Pierre Gorges, maire de ChartresInterview et portrait

31 mai 2023

Le débat sur l'Intelligence artificielle (IA) agite tous les médias. Atout ou menace ? Jean-Pierre Gorges a choisi de contribuer au débat. Son discours du 8 mai écrit grâce à l'IA a fait beaucoup parler. Il s'en explique et va plus loin : il veut que tous les Chartrains puissent s'adapter au mieux à ce qui s'annonce comme une véritable révolution sociétale.

Votre Ville : Votre discours du 8 mai a suscité la controverse, jusqu'au Conseil municipal ?

Jean-Pierre Gorges : Les oppositions ont choisi de réagir par la polémique. Dérisoire ! Si j'ai voulu utiliser l'IA, en l'occurrence ChatGPT, pour écrire mon discours du 8 mai, je l'ai fait en toute clarté devant ceux qui assistaient à la cérémonie que la Ville organisait pour clôturer l'événement. Il y a quelque hypocrisie à s'offusquer de cette utilisation, quand mes opposants savent parfaitement qu'aucun politique ou presque n'écrit lui-même les discours qu'il prononce.

Aux personnes présentes, j'ai expliqué ce que j'avais fait, et énoncé les deux questions que j'avais posées à la machine, lu le texte qu'elle m'avait fourni en réponse en quelques minutes. La presse locale en a fait état et d'autres médias ont donné un éclairage plus large à mon initiative.

Pour certains, toujours les mêmes, cela constituait une sorte de provocation. Ce que je voulais, c'était faire comprendre au plus grand nombre, et d'abord aux Chartrains, que cet outil va révolutionner leur vie, notre vie, et ce jour-là j'ai évoqué particulièrement son impact prévisible sur l'enseignement.

VV : Comment regardez-vous cette révolution annoncée ?

JPG : L'informatique et plus largement les systèmes d'information ont été mon métier pendant une trentaine d'années. Comme d'autres, j'ai travaillé sur ce que nous appelions des « systèmes-experts », qui progressent en apprenant de notre pratique comme de l'accroissement des connaissances et des améliorations technologiques.

Qu'est-ce qui nous manquait alors pour permettre l'utilisation généralisée de ce qui ne s'appelait pas encore l'Intelligence artificielle ? La puissance de calcul, la capacité de stockage et la vitesse de transfert des données. Un exemple : dans votre smartphone aujourd'hui, vous disposez d'une puissance de calcul et d'une capacité de stockage supérieures à ce dont disposait la NASA quand elle a envoyé en 1969 le premier homme sur la lune. Nous sommes passés très vite de la société du minitel à celle de l'internet, et nous entrons dans l'ère de l'IA.

Mes enfants ne se posaient pas la question de savoir qu'il y avait eu un temps, encore tout proche, où internet et smartphone n'existaient pas. Ceux qui naissent aujourd'hui ne se poseront pas la question de savoir si le monde existait sans l'IA. Ils l'utiliseront. À nous de les mettre dans les meilleures conditions pour le faire, et je vais m'y employer, d'abord au bénéfice des jeunes Chartrains.

VV : Vous avez dit qu'un enfant scolarisé apprendrait davantage en une journée de travail, aidé par l'IA, que pendant un mois de cours avec son instituteur ?

JPG : Certains ont fait semblant d'être choqués par la formule, jugée provocatrice au premier abord. Ce que j'ai voulu dire, c'est que l'IA va laisser davantage de place à l'intelligence et à la créativité, en réduisant le temps consacré jusqu'ici à la répétition de la simple acquisition des connaissances. Mais j'ai posé un préalable : l'instituteur ou le professeur des écoles pourra se consacrer encore davantage aux fondamentaux : apprendre à lire, à écrire et à compter à ses élèves.

L'IA va également accroître l'égalité des chances. Quand vous interrogez la machine, vous lui posez des questions, et plus pertinentes seront les questions, meilleures seront les réponses de la machine. C'est là que l'action du professeur reste irremplaçable. Même si vous prenez des jumeaux, ils ne poseront pas les mêmes questions. Les connaissances étant rassemblées et ordonnées après une ou des questions précises, le professeur pourra se consacrer à l'essentiel sur un sujet donné : quelle est la bonne question, la plus pertinente, celle qui mène au meilleur résultat ?

Ne perdons pas de temps à glorifier ou à vilipender l'IA. Elle est là et elle va se développer très vite. Apprenons à l'utiliser au mieux. Il y a en France des villes qui, au XIXe siècle, ont refusé le chemin de fer. Elles sont encore aujourd'hui déclassées. Des tâches vont disparaître, souvent les plus fastidieuses, les plus répétitives. D'autres métiers vont apparaître.

Je crois au progrès technique, à une société qui ne calculerait pas le montant des retraites seulement au nombre d'années travaillées ni au seul montant des salaires accumulés, mais à la mesure de l'enrichissement matériel, intellectuel et moral que chaque individu a apporté à la société.

Et pour revenir aux enseignants, c'est leur valeur ajoutée qui va s'en trouver augmentée, et leur métier revalorisé.

VV : Concrètement, comment comptez-vous faire rentrer l'IA dans la vie des Chartrains ?

JPG : Il faut agir à la fois à court et à moyen terme. D'abord en amenant le grand public à découvrir non seulement ChatGPT, mais les autres IA existantes ; ensuite, en aidant les plus jeunes mais aussi tous les autres à se former à l'usage d'une IA ; et puis, très vite en augmentant l'efficacité de nos propres services grâce à l'utilisation de l'IA.

VV : Comment aider le grand public à découvrir l'IA ?

JPG : Il y a évidemment ceux qui vont se débrouiller tout seuls. Mais je veux dans les meilleurs délais que nous déployions une IA sur tous les postes informatiques des maisons pour tous. Pour cela, il faut augmenter leur capacité informatique, pour ménager un accès libre à l'IA dans les MPT avec l'accompagnement d'initiation nécessaire. Il faudra évidemment faire de même à la médiathèque l'Apostrophe.

Et puis, comme on n'apprend jamais mieux qu'en jouant, il faut favoriser les « webinaires » (contraction des deux mots web et séminaire) gaming/e-sport avec l'installation d'une salle dédiée à cette activité.

VV : Après la généralisation de l'accès libre à l'IA, comment la déployer pour que les jeunes s'y forment efficacement ?

JPG : La Ville ne décide pas des programmes de l'Éducation nationale mais elle peut introduire l'IA dans le temps périscolaire, en l'installant sur les PC que nous fournissons à chaque classe. Nous allons également proposer à une école de servir de pilote en la matière, pour apprendre aux élèves de CM1-CM2 comment ça marche et comment on s'en sert.

Il va de soi que nous ne pourrons être efficaces qu'en convainquant les enseignants de nos écoles primaires. Je veux croire aussi que l'Éducation nationale va s'emparer de la question. Depuis des années, nous voyons s'entasser les réformes de l'Éducation nationale. Voilà une véritable occasion de révolutionner utilement les méthodes d'apprentissage. Si j'étais enseignant, je saisirais l'occasion sans tarder.

Mais nous ne devons pas nous contenter de parler aux jeunes. Il s'agit d'intéresser à l'IA tous les publics et tous les âges. Je pense par exemple aux seniors à travers l'Université chartraine du temps libre (UCTL). La médiathèque aura évidemment un rôle moteur à jouer à destination de tous ses publics.

VV : Vous voulez aussi que l'IA puisse augmenter l'efficacité des services de la Ville et de l'Agglomération.

JPG : C'est l'évidence. En interne d'abord. En déployant l'IA auprès de notre direction de la Communication comme auprès de toutes les directions qui ont à rédiger des courriers, des textes qui s'appuient sur des données juridiques, etc. Tous ceux qui écrivent vous diront qu'il est plus facile, plus motivant de corriger un texte, et de le personnaliser que d'en écrire le premier jet. Ce gain de productivité devra bien entendu être évalué régulièrement.

Et puis, l'IA doit améliorer la relation entre la collectivité et les citoyens, aider à répondre à leurs questions courantes, les assister dans l'ensemble de leurs démarches, leur permettre de faire remonter leurs suggestions, ou leur indiquer des activités en lien avec leurs centres d'intérêt, etc.

Le domaine d'extension des utilisations de l'IA est infini. Depuis des années déjà, on parle de l'interactivité, du lien permanent qui doit exister et s'améliorer entre le citoyen et ses élus. Mais au-delà de ce mot-valise, il faut comprendre que c'est l'IA qui va permettre d'accélérer, de fluidifier, de personnaliser et donc de donner à ce lien une réalité véritablement interactive.

C'est la démocratie qui va y gagner. D'autant que nous ne sommes qu'au début de cette nouvelle histoire car l'outil va s'améliorer à toute vitesse.

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