En mai, le maire, Jean-Pierre Gorges, a présenté aux habitants de la Madeleine le nouvel ensemble de 160 logements qui va s'élever d'ici 2025 à l'angle des avenues Pichard et Sablons, véritable coup d'envoi de la transformation du quartier.
Interview de Jean-Pierre Gorges
Votre Ville : En quoi ce premier programme immobilier illustre-t-il le nouveau visage que vous voulez donner à la Madeleine ?
Jean-Pierre Gorges : Deux différences sautent aux yeux quand vous regardez les images du projet que nous avons choisi parmi trois propositions.
D'abord les toits, pentus, à l'image de ceux des habitations traditionnelles de Chartres. À l'inverse des toits plats des immeubles cubiques des années 60 et 70. Déjà dans l'apparence, nous voulons « recoudre » ce quartier avec la ville. Plus question d'entendre ces gens qui, comme à Beaulieu en 2001, me disaient : « Je vais à Chartres » quand ils sortaient de leur quartier enclavé, refermé sur lui-même.
La deuxième différence, c'est l'installation de 2 000 m² d'espaces commerciaux au rez-de-chaussée de ce nouvel ensemble. Ils donneront directement sur la rue, à la différence de l'actuel mail commercial « perché » de la Madeleine, qui est « en l'air » dans tous les sens du mot. Cette idée, aujourd'hui absurde, matérialisait le particularisme voulu de ces quartiers neufs, qui, au fil du temps s'est transformé en une sorte d'enfermement : qui aurait l'idée d'aller fréquenter ces commerces inaccessibles sauf à leurs voisins immédiats (et encore) ? Pas étonnant que les habitants de la Madeleine aient fini par considérer les grandes surfaces voisines comme leurs véritables commerces de proximité. Or celles-ci sont appelées à déménager de l'autre côté de l'avenue Jean-Mermoz.
Cette vue depuis l’avenue des Sablons résume à elle seule la philosophie du programme : volumes variés, terrasses fleuries, parterres d’arbustes et d’arbres en tous genres, commerces de proximité, espaces de convivialité, trottoirs élargis, pour donner à l’ensemble un côté « place du village ».
VV : Où les habitants du nouvel ensemble vont-ils garer leurs voitures ?
JPG : C'est la troisième différence, majeure : dans la Madeleine nouvelle que nous voulons, les voitures vont disparaître.
Ainsi, le nouvel ensemble de 160 logements offrira aussi 242 places de parking, mais en sous-sol de l'immeuble en question ! Ce sera un changement fondamental dans un quartier qui s'apparente à un gigantesque parking. La Madeleine, ce sont 1 850 logements sociaux répartis, je devrais dire entassés, sur 17 hectares. Ses concepteurs avaient prévu 0,8 place de parking par logement. Mais ça, c'était avant ! La réalité moyenne d'aujourd'hui approche les deux voitures par logement. Et donc toutes les nouvelles constructions devront proposer des places de stationnement souterraines, qui plus est affectées à tel ou tel logement. Cela va tout changer, visuellement bien sûr mais aussi socialement. Aujourd'hui les habitants se disputent les places de parking, appellent la police municipale et la fourrière pour faire enlever les voitures qui les gênent. Cela pourrit l'ambiance.
Les parkings souterrains vont aussi libérer des espaces en surface. Autant d'espaces verts, de jeux pour les enfants et les plus grands, etc. Le nouveau parc Jacques-Grand sera au cœur de cheminements verts qui y convergeront. Ce sera enfin un véritable changement environnemental. Avec les disparitions des parkings de surface, nous réduirons d'autant l'artificialisation des sols, avec pour première conséquence, lors des épisodes de fortes pluies, la diminution du flot qui contribue à inonder les quartiers situés en-dessous au bord de l'Eure. Ainsi prévaudra là aussi notre politique de ville « apaisée » : comme au centre-ville, les voitures doivent disparaître de la surface.
Vue aérienne du programme Pichard-Sablons, avec, en bas à gauche, l’avenue des Sablons.
VV : Vous allez donc procéder de la même manière que dans l'ancien Beaulieu devenu Les Clos ?
JPG : Oui et non.
Oui parce que les principes sont les mêmes. Pendant notre premier mandat, nous avons lancé des marchés d'étude et de définition pour organiser l'aménagement à venir de tous les quartiers de Chartres. Nous avons d'abord engagé Les Clos, Rechèvres et d'autres endroits parce qu'il y avait urgence. Et puis nous ne pouvions pas tout faire en même temps pour des raisons financières évidentes. Nous avons déjà beaucoup agi à la Madeleine, planté des centaines d'arbres le long des rues et des avenues, humanisé ces artères en élargissant les trottoirs pour faciliter la circulation des vélos et des poussettes. Nous avons résidentialisé nombre d'immeubles, ouvert l'accession à la propriété pour les occupants de certains d'entre eux, etc. Oui donc !
Et non, parce que la situation de départ diffère. À Beaulieu nous avons d'abord dû vider 252 logements de leurs occupants et donc les reloger ailleurs, avant de déconstruire pour construire à nouveau. Ici, à la Madeleine, l'ensemble Pichard-Sablons prend la place d'un garage Renault, déplacé dans le Jardin d'entreprises. De même, un autre ensemble d'environ 200 logements va surgir avenue Marcel-Proust. Un projet déjà très engagé. Les travaux vont commencer.
Vue nocturne au coin des avenues Joseph-Pichard et des Sablons.
VV : Concernant les actuels logements de la Madeleine, par où allez-vous commencer ?
JPG : Cela fait des années que nous discutons avec les habitants, et ils nous ont dit leurs priorités. Pour résumer, eux aussi veulent s'ouvrir à la ville, casser cette impression de forteresse assiégée. Ils ne veulent plus de la tour Aristide-Briand. Cette sorte de « donjon » symbolise un urbanisme dépassé. Et en plus, cela améliorera la qualité des vues sur la cathédrale et son environnement esthétique. Dans le même esprit, ils ne veulent plus des immeubles-ponts, auxquels il ne manque qu'un pont-levis… De même, ils n'aiment pas les « manivelles », ces bâtiments interminables, ressentis comme inhumains tellement ils gênent la vue et empêchent la circulation.
VV : Comment allez-vous procéder ?
JPG : Les priorités définies, nous allons agir avec et au rythme des habitants. Comme nous l'avons toujours fait. Nous allons discuter et convaincre, et, pour ce faire, proposer à ceux qui voudront partir, des solutions meilleures ailleurs.
Lors de la réunion publique, une dame nous a exposé son cas : elle est propriétaire. Nous allons discuter et chercher avec elle la bonne solution. Nous n'avons jamais contraint ni exproprié quiconque. Je me souviens d'une maison sur l'avenue Jean-Mermoz qui gênait les vues sur la cathédrale. Nous avons discuté pendant des mois. Et nous avons fini par tomber d'accord.
Plus généralement, nous allons agir au cas par cas, immeuble prioritaire par immeuble prioritaire. Prenez la tour Aristide-Briand : sur 47 logements, elle n'en compte plus que 10 qui sont occupés. La discussion continue. C'est ainsi nous desserrerons progressivement le quartier.
VV : Dans les deux projets que vous avez présentés, ce sont des promoteurs privés qui agissent. Quelle sera la place du logement social ?
JPG : Un minimum de 20 %, comme dans tous les projets ou presque qui se développent à Chartres.
Cette méthode a deux mérites : d'abord elle permet de financer le logement social neuf, dont les normes de construction sont d'ailleurs, on ne le sait pas assez, plus exigeantes que celles qui s'appliquent au logement privé. C'est du vrai partenariat public-privé.
Deuxièmement, c'est aussi la seule manière réelle d'assurer la mixité sociale, la seule traduction concrète de ce fameux « vivre ensemble » qui semble difficile à faire exister aujourd'hui un peu partout en France. Et cela marche à deux conditions : avoir la maîtrise du foncier, ce qui est notre cas ici ; et écouter, discuter régulièrement avec les habitants concernés parce que c'est d'abord pour les gens que nous faisons tout cela.
Une terrasse avec une vue imprenable sur la cathédrale.
Le programme Pichard-Sablons
« Ce soir, nous sommes venus vous expliquer comment nous allons procéder pour revitaliser votre quartier. » C'est en ces mots que le maire, Jean-Pierre Gorges, a ouvert la réunion publique du mercredi 18 mai dernier dans le gymnase du complexe sportif de la Madeleine, en présence de plusieurs élus, dont Élisabeth Fromont, 1re adjointe, Frank Masselus, 2e adjoint, Karine Dorange, 3e adjointe, Guillaume Bonnet, 6e adjoint, et de représentants du cabinet d'urbanisme et d'architecture retenu après appel à projets.
« Notre logique de transformation est de trouver des espaces – nous en avons identifié un certain nombre à la Madeleine – pour construire des programmes avec des logements confortables, modernes et faciles à vivre, et de continuer d'organiser ce quartier autour d'espaces verts comme le parc Jacques-Grand. »
Une vue qui montre la volonté de faire pénétrer la végétation au cœur du projet.
Créer une rupture
« L'idée, a poursuivi le maire, est de transformer complètement la physionomie de ce quartier couvert de parkings. Avec la construction de logements neufs, nous allons faire venir d'autres populations, permettre à des gens de la Madeleine de devenir propriétaires à côté de chez eux, commencer à “desserrer” le logement social avec des offres de qualité et faire disparaître la voiture de la surface. Le programme Pichard-Sablons, qui s'étend sur 1 ha, va jeter les bases du projet de Renaissance du quartier de la Madeleine. Il va provoquer une rupture avec la monotonie des immeubles d'origine en variant les volumes, les hauteurs et l'orientation des ouvertures, et en dotant chaque logement d'espaces extérieurs privés. Pour redonner une identité à ce quartier, les architectes ont aussi eu la bonne idée de créer un lien avec le coeur de ville en s'inspirant des toits emblématiques de celle-ci. »
Une vue qui montre l’orientation du programme par rapport au centre-ville.
160 logements prévus
- 128 logements en accession (15 studios, 29 T2, 47 T3, 27 T4, 10 T5) : 8 377 m² de SDP, 3 600 € TTC/m² habitable en moyenne, avec parking inclus ;
- 32 logements locatifs sociaux (14 T2, 12 T3, 6 T4) : 1 954 m² de SDP, 2 000 € HT/m² habitable en moyenne, avec parking inclus.
Le tout assorti de 242 places de stationnement en sous-sol (32 pour logements sociaux, 192 pour les logements en accession, 18 pour les commerçants).
100 % des logements bénéficieront d'un espace extérieur privatif permettant au minimum l'installation d'une table et deux chaises.
2 065 m² de commerces et services
Un espace comprenant une supérette alimentaire, une boulangerie- traiteur-salon de thé, une brasserie-point presse avec terrasses sur la placette, un ensemble de services de proximité (poste/banque, coiffeur, opticien), un pôle médical, une pharmacie et 55 places de stationnement pour les visiteurs et les clients des commerces.
Démarrage des travaux en juin 2023. Livraison des logements et ouverture des commerces au public au 2e trimestre 2025.
Projet Renaissance du quartier de la Madeleine
En savoir plus sur le projet Renaissance du quartier de la Madeleine.