Le chantier du parking Q-Park progresse, à vue d'œil. Partout, les ouvriers s'affairent. Nicolas Ducrot, chef de chantier, nous livre son expérience et son regard sur cet univers professionnel.
Il a commencé sa vie professionnelle dans les tranchées d'un chantier chartrain, au début des années 2000. Aujourd'hui, sur le Pôle Gare, il dirige la construction d'un nouveau parking pour le groupe international Q-Park. Avec simplicité et beaucoup d'humanité, Nicolas Ducrot, responsable du chantier du parking Pôle Gare, nous présente son parcours et les opportunités qu'offre le BTP.
Votre Ville : En novembre dernier, lors de la pose de la première pierre de ce chantier, Michèle Salvadoretti, directrice générale France du groupe Q-Park avait évoqué votre parcours, très singulier.
Nicolas Ducrot : Les grands groupes, comme Q-Park, et Bouygues Bâtiment Centre- Ouest qui m'emploie, aiment les histoires « familiales ». C'est sans doute pour cela que la mienne n'est pas restée inconnue. Cette singularité que vous évoquez est que le Mainvillois de naissance que je suis a commencé sa carrière dans le BTP comme étudiant en alternance sur le chantier du parking de Cœur de ville de Chartres, en 2006, et qu'aujourd'hui je dirige celui-ci : le nouveau parking du Pôle Gare. Une similarité à plus de 15 ans d'écart, si ce n'est que, entre les deux, j'ai eu la chance de suivre la « voie royale » de la progression professionnelle.
VV : La voie royale ?
ND : Le domaine de la construction m'a toujours attiré. J'ai commencé par un bac S au Lycée Jehan-de-Beauce, poursuivi avec un DUT en génie civil, puis une licence professionnelle en alternance que j'ai effectuée sur ce fameux chantier de Cœur de ville. C'est cette alternance que je qualifie de voie royale : elle permet à l'étudiant de se familiariser avec son métier et son entreprise, et à l'entreprise de former un futur salarié. C'est un échange gagnant-gagnant qui permet de poser de solides bases de carrières et de collaborations.
VV : Et depuis ?
ND : Depuis, je suis resté très chartrain. J'ai participé à un autre très beau chantier, la transformation de l'ancien hôtel des Postes en grande médiathèque, puis à des créations ou réhabilitations de logements pour Chartres Habitat, sans compter des établissements scolaires, collèges ou lycées, dans la région. Comment évolue-t-on dans le BTP ? Ce milieu professionnel est un univers très juste. Avec de la motivation, de la curiosité, en ouvrant grand les yeux et les oreilles, l'évolution professionnelle se fait naturellement. C'est ce qui me place, à 35 ans, à ce poste de directeur de projets, un poste à responsabilités. Entre-temps, j'ai passé les étapes de conducteur de travaux second œuvre puis gros œuvre, et enfin patron d'opération. Les périmètres des responsabilités se
sont aussi élargis, au fur et à mesure, en raison de la taille ou du nombre des chantiers, ou du nombre de personnes à encadrer.
VV : À présent, en quoi consiste votre travail ?
ND : Le responsable de projet encadre une équipe qui rassemble différents métiers : les compagnons, les chefs de chantiers, les ingénieurs travaux, les partenaires sous-traitants, les bureaux d'études, les fournisseurs, les logisticiens… À l'image d'un chef d'orchestre, il faut assurer une parfaite coordination de l'ensemble. est mal écrite, si les musiciens ne sont pas au complet ou pas suffisamment mobilisés, si des instruments manquent ou si la direction est défaillante, la musique ne se fait pas, ou mal. Un chantier c'est tout cela : de l'humain, de la cohésion entre l'ensemble des partenaires de l'opération (maîtrise d'ouvrage, architecte, maîtrise d'œuvre, responsable de Z.A.C et les équipes de production du chantier), c'est-à-dire un tout dédié à un projet, selon des plans établis. Le responsable de projet intervient donc pour faire passer le projet de ses plans à l'ouvrage réel. C'est un vrai challenge ! Dans notre métier, nous ne pouvons pas faire de prototypes, de pré-séries ni de têtes de séries : sauf exceptions rares, les ouvrages que nous construisons sont uniques.
VV : Mais après 15 ans de BTP, est-ce que le milieu de la construction ne devient pas monotone ?
ND : Je suis convaincu que ce domaine est celui de métiers vocations ou métiers passions. Il nécessite bien sûr que l'on aime la technique, mais aussi que l'on sache se remettre en question et apprendre en permanence. Les matériaux, les outils, les modes de construction d'abord, et les types de structures d'une certaine façon aussi. Sans oublier les considérations sociétales ou sociales comme celles du développement durable et de l'économie circulaire, qui ne cessent de faire évoluer nos façons de travailler et de construire. Un exemple concret : la digitalisation et l'industrialisation mettent nos métiers à la portée de tous. L'époque est révolue où les entreprises recherchaient des « forts des halles » pour les chantiers, puisque la mécanisation lève l'impératif de la force physique. Et dans un autre domaine, il faut aussi considérer tous les nouveaux débouchés qui émergent, comme ceux de la modélisation 3D ou de la topographie robotisée. Les geeks peuvent s'en donner à cœur-joie. Tout cela est passionnant !
VV : Les outils évoluent, mais qu'en est-il de l'esprit du compagnonnage que l'on prête volontiers à votre domaine ?
ND : Cet esprit, le même sans doute que celui qui devait opérer lors de l'édification de cette cathédrale presque millénaire, règne toujours sur nos chantiers. Les métiers du bâtiment, du compagnon au chef de chantier, sont ouverts à tous et permettent à tous d'évoluer professionnellement. La transmission du savoir y est permanente, omniprésente, ce qui constitue une grande chance pour les jeunes qui choisissent d'y entrer. C'est pourquoi nous avons autant d'attachement à les faire découvrir aux jeunes (collégiens, lycéens, BTS), ainsi qu'aux personnes qui se trouvent un peu à l'écart du monde professionnel et qui peuvent se faire « chez nous » une nouvelle place.
Le BTP est un secteur passionnant, concret, porteur de sens. Il sait ouvrir de belles perspectives d'activité et de carrière à tous ceux qui souhaitent y entrer. Et cette filière offre en outre des débouchés immédiats ! Chaque fois qu'un jeune choisit de rejoindre nos équipes ou le BTP à l'issue d'un stage, c'est une récompense pour nous.
Ainsi, la technique ne constitue au final qu'une petite partie de notre univers. Notre vraie richesse, ce sont les hommes et les femmes qui interviennent sur nos projets au quotidien, à tous niveaux, et qui font que chacun d'entre eux est une nouvelle aventure humaine. Et puis… par-dessus tout, on ne construit pas pour nous-mêmes : nos chantiers et nos réalisations sont au service des territoires, et donc de leurs habitants. Je dois confesser que, quel que soit notre poste sur les chantiers ou notre ancienneté, nous avons tous une fierté à revoir les ouvrages auxquels nous avons contribué.
