Entre architecture naïve et art brut, la Maison Picassiette est l'œuvre de Raymond Isidore. Fasciné par son histoire, Gonzague Jobbé-Duval, enseignant en école élémentaire dans l'agglomération, la retrace dans une bande dessinée à paraître ce mois-ci, illustrée avec brio par Benoît Blary.
Votre Ville : Comment avez-vous découvert la Maison Picassiette ?
Gonzague Jobbé-Duval : En la visitant avec ma classe lors d'une sortie scolaire. Ce qui m'a frappé, c'est qu'aucun élève n'était indifférent. Certains étaient amusés, regardaient les peintures et mosaïques avec étonnement, les mimaient… D'autres étaient touchés en découvrant les œuvres et l'histoire de ce balayeur de cimetière qui se sentait rejeté, et qui, sans aucune formation ou ambition artistique, sans avoir jamais voyagé, s'est créé un palais, un trône de roi, un jardin de paradis.
VV : Est-ce la personnalité de Raymond Isidore ou son œuvre, qui vous a fasciné ?
GJD : D'abord l'œuvre. Sa maison, il ne l'a pas faite pour la montrer aux autres, il l'a faite pour lui-même. Puis, j'ai voulu rencontrer cet humble travailleur réveillé la nuit par des songes qui lui commandaient de créer, cet homme dont les rêves étaient si grands qu'ils devaient recouvrir chaque centimètre carré de sa maison. Enfin, j'ai voulu comprendre la vie d'Adrienne, son épouse, qu'il couvrit de fleurs en brisures d'assiettes mais qui n'eut jamais son mot à dire, qui gagna souvent le pain du foyer et qui, veuve, fut la fidèle gardienne de la maison.
« Je voulais restituer ce qui a été atténué par le temps, ce qui a disparu. »
VV : Pourquoi en avoir fait une BD, et non une biographie ou un roman ?
GJD : Je voulais restituer ce qui a été atténué par le temps, ce qui a disparu : les masques fabuleux du jardin, la couleur sombre des cheveux de la Palestinienne, le bleu franc de la clôture, la joie et l'exubérance d'origine. Et aussi parce que je voulais ouvrir une porte à un public le plus large possible, et procurer une émotion brute grâce aux images.
VV : Parlez-nous du travail avec l'illustrateur.
GJD : J'ai choisi Benoît Blary pour sa couleur à l'aquarelle et son trait fin, lesquels sont à la fois sensibles et précis. C'est un travailleur acharné et un grand artiste qui a su insuffler une âme aux trois personnages principaux : Raymond, Adrienne, et la maison.
VV : Comment avez-vous effectué le travail de recherche ?
GJD : J'ai lu les biographies écrites par Maarten Kloos, un architecte néerlandais, et Paul Fuks. Ensuite, j'ai patiemment collecté les images de la maison aux différentes époques ainsi que les paroles de Raymond et de sa famille dans les revues, les documentaires, les reportages télévisuels, les photos.
VV : Pourquoi avoir choisi ces moments-là de la vie de Raymond Isidore ?
GJD : J'ai voulu que ses paroles les plus fortes deviennent des scènes vivantes et qu'elles résonnent avec chaque partie de la maison.
« L'illustrateur a su insuffler une âme aux trois personnages principaux : Raymond, Adrienne, et la maison. »
VV : Fluidifier le passage d'une scène à une autre n'a pas dû être un exercice facile…
GJD : Oui, car j'ai respecté humblement la chronologie. Des périodes sont parfois de moindre intérêt, ce qui est le sort des BD biographiques. J'ai voulu donner des clés aux lecteurs pour qu'il comprennent qui était cet homme. Cet ouvrage peut même servir de guide : il comporte une planche avec la maison vue du ciel, dans les couleurs des années 1960, qui renvoie aux pages correspondantes de la BD.
Renseignements
- Picassiette, par Gonzague Jobbé-Duval et Benoît Blary, Éditions L'Atlantide.
- 20 €
- En vente à la maison Picassiette et dans les librairies et hypermarchés chartrains.
Des séances dédicaces auront lieu le samedi 18 octobre : > À l'Office du tourisme (10 h) ; > À la librairie l'Esperluète (15 h). |
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