C'est une découverte aussi inattendue que précieuse pour le patrimoine chartrain. Un vitrail circulaire signé du maître-verrier Nicolas Lorin (1833-1882), fondateur éponyme des ateliers, a été découvert dans une maison de la rue de Châteaudun. Daté de 1878, il doit sa valeur et son originalité à son style oriental et à la technique employée pour sa fabrication.
L'histoire commence de façon fortuite. Au salon L'Artisanat C'Chartres, en octobre dernier, Daniel Germain s'arrête sur le stand des ateliers Lorin. Passionné par les bâtiments historiques et le patrimoine, il confie à Élodie Vally, directrice de la Maison Lorin, avoir remarqué dans une maison à laquelle il s'intéresse dans le cadre d'un projet immobilier, un vitrail ancien portant la signature de Nicolas Lorin.
« Il nous a montré des photos, raconte-t-elle. Nous étions ravis, car nous sommes toujours à la recherche de vitraux Lorin. Beaucoup ont été créés pour des particuliers à Chartres, mais il y a peu de traces à leur sujet dans les archives. »
Travail d'enquête
La découverte est surprenante, puisqu'il s'agit d'un vitrail circulaire d'environ un mètre de diamètre, daté de 1878, signé Nicolas Lorin, et présentant un texte en arabe : « Il n'y a de dieu qu'Allah, et Muhammad est le messager d'Allah ». Posée en imposte de la porte d'entrée d'une maison dont l'architecture même rappelle à certains égards ce style oriental, la rosace y trouve toute sa place, et attise aujourd'hui une curiosité quant à son commanditaire.
D'après la chercheure Valérie Mauret-Cribellier (service Patrimoine et Inventaire, Région Centre-Val de Loire), chargée d'une étude sur le fonds Lorin, le vitrail a été exposé dans le pavillon particulier de Nicolas Lorin au cours de l'Exposition universelle de Paris en 1878. « Nous ne savons quasiment rien concernant la genèse de cette verrière, seulement qu'elle est dénommée "rosace algérienne" dans la documentation de l'atelier, précise-t-elle. Les recherches se poursuivent afin de connaître le nom de la personne qui l'a achetée, et fait placer là après la clôture de l'Exposition universelle. »
Superposition des verres
Exceptionnel à plus d'un titre, ce vitrail témoigne de remarquables techniques verrières. « La rosace doit ses couleurs à tout un jeu de verres plaqués. Ce sont des verres soufflés en deux couches », poursuit Élodie Vally. Prenons les motifs jaune et rouge. Une paraison (verre fondu et soufflé) de verre incolore a été tournée dans du verre rouge, donnant une fine épaisseur de verre rouge sur du verre incolore.
Certaines parties ont été gravées à l'acide fluorhydrique, un produit certes dangereux, mais qui permet au verre de garder sa transparence tout en retirant la première couche. « Puis du jaune d'argent a été appliqué sur les parties devenues incolores pour obtenir les nuances de jaune. » Pareil pour les bleus, où les motifs végétaux ont été obtenus par gravure. « Pour le lettrage, c'est le même principe : une pièce de deux couches, rouge sur incolore, gravée pour ne garder que les lettres ensuite bordées par de la grisaille, et le tout posé sur la pièce bleue. »
Quid de la couleur verte ?
Pour le centre du vitrail, la technique reste essentiellement la même, une superposition de couches de verres gravées pour obtenir les motifs bleus et les rouges, les jaunes étant issus là aussi de l'application de jaune d'argent sur les parties incolores. Quant au vert, il est simplement le fruit de jaune d'argent appliqué sur… du verre bleu !
Un vitrail à la conception audacieuse qui fait effet et explique probablement sa présence à l'Exposition universelle de 1878. Aujourd'hui redécouvert, il amorce une série de recherches qui permettront de faire toute la lumière sur son histoire, celle de cette maison, et de leur mystérieux propriétaire originel…
« Cette découverte enrichit le patrimoine chartrain et rappelle l'importance du fonds d'archives Lorin. D'autres vitraux Lorin sont installés dans les maisons locales, et j'invite les propriétaires à se rapprocher du service Inventaire de la Région afin de les répertorier. »
Pour contacter le service Inventaire de la Région Centre-Val de Loire : inventaire@centrevaldeloire.fr.
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