Le chantier du pourtour du parvis de la cathédrale n'est pas achevé que quelques polémiques surgissent. Certains ressusciteraient volontiers des arbres malades, discutent du coût (?) pour la Ville des parasols placés à leur endroit ou contestent l'aménagement à venir de l'esplanade… « Pourtant, nous faisons tout dans les règles pour rendre à la cathédrale un écrin digne d'elle. Il est absurde de caricaturer par anticipation ! » La mise au point du maire Jean-Pierre Gorges.
Votre Ville : Le chantier du cloître Notre-Dame fait beaucoup parler. Cela vous étonne-t-il ?
Jean-Pierre Gorges : Je commence à avoir l'habitude. Ce sont toujours les mêmes qui tentent d'allumer des polémiques. Les mêmes qui voulaient arrêter les travaux quand nous construisions l'Odyssée, réhabilitions la Médiathèque ou édifions le Colisée. Ils crient avant, se taisent ensuite.
Après les marronniers de la Courtille, les robiniers du Portail sud ! Ces opposants avaient fait la même chose lorsque nous avions remplacé les arbres de la place du Cygne. Qui en parle encore aujourd'hui ? Ils tentent de jouer sur l'émotion du public, surtout avant les élections municipales de l'an prochain. Ce sont les mêmes encore qui défendaient le bâtiment stalinien en béton de l'ancien Hôtel de Ville. Ils voulaient même le classer ! Qui se plaint aujourd'hui de l'actuel Hôtel de Ville et d'Agglomération, place des Halles ? Rien de nouveau sous le soleil, comme disaient les anciens Romains, dont nos archéologues mettent au jour les traces en ce moment.
“Nous mettons en œuvre ce projet en nous entourant de toutes les précautions possibles et en tenant compte des avis les plus compétents.”
Vous souhaitez donc mettre les choses au point ?
Je veux informer les Chartrains de la réalité des choses, faire litière des à-peu-près et des mensonges. Il y a vingt ans, nos beaux esprits prétendaient que les murs de l'ancien Hôtel des Postes ne pourraient supporter le poids des livres de la Médiathèque que nous voulions y installer. Aujourd'hui, ils en sont réduits à discuter le prix des parasols ! On se croirait chez Leroy Merlin ! Posez donc la question à l'architecte qui mène ce chœur des pleureuses : pourquoi vouloir poser le papier-peint avant d'avoir construit les murs ? Pourquoi prétendre juger un pareil chantier sans en avoir une vue d'ensemble ? Je leur laisse volontiers ces petites polémiques de détail. Comme disait Audiard, « deux intellectuels assis iront toujours moins loin qu'un con qui marche… ».
Car nous avançons. Et depuis l'origine, nous mettons en œuvre ce projet en nous entourant de toutes les précautions possibles. En tenant compte des avis les plus compétents, de travaux d'universitaires, et en concertation avec la Préfecture, la Drac Centre Val-de Loire et sous l'autorité de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA). Celle-ci a d'ailleurs toujours donné un avis favorable à chaque étape de l'élaboration de notre projet pour le cloître Notre-Dame, et la dernière fois à l'unanimité. Elle y a ajouté quelques prescriptions, dont nous avons évidemment tenu compte et nous présenterons prochainement à la CNPA la dernière évolution en date de nos travaux préparatoires.
“De beaux esprits critiquent les nouvelles dalles du pourtour (…) j'ai en mémoire les trous dans le bitume et les plaintes des personnes âgées qui tombaient en allant à la messe.”
“Le choix des dalles s'inscrit dans une vision globale de l'esplanade, et au-delà de l'ensemble du cloître Notre-Dame”
Vous comprenez donc que beaucoup soient sensibles à ce projet ?
Nous y travaillons depuis 2001 ! Mais ce n'était pas alors la priorité dans l'attente des Chartrains. Puis sous la présidence Hollande j'avais été député-rapporteur spécial du Budget du Patrimoine et j'avais donc pu apporter ma pierre à la restauration de la cathédrale engagée par l'État. Il faut quand même se rappeler son état au début des années 2000 : gris sombre d'une pollution séculaire, son pourtour bosselé et troué de nids-de-poule, des portails nord et sud réduits à l'état de parkings et une circulation chiffrée à 2 200 véhicules/jour. Cet état des lieux calamiteux valait aussi pour toutes les rues et places environnantes de la partie est de la ville haute historique.
J'aime mieux vous dire qu'il a fallu convaincre quand nous avons décidé de tout réhabiliter et de réduire drastiquement circulation et stationnement en doublant d'un seul coup l'étendue de la zone piétonne pour protéger l'édifice.
Pendant ce temps, l'État a engagé des travaux considérables de restauration de l'extérieur et de l'intérieur de la cathédrale. Ils approchent aujourd'hui de leur fin, l'inauguration récente de la chapelle Saint-Piat en témoigne. Mais de beaux esprits critiquent maintenant les nouvelles dalles du pourtour du parvis, pourtant choisies en accord avec les meilleurs spécialistes français... Moi, j'ai en mémoire les trous dans le bitume devant le Portail Royal et les plaintes des personnes âgées qui tombaient en allant à la messe.
Ces chantres des « puits de fraîcheur », climatologues autoproclamés, dénoncent la minéralité de ces nouvelles dalles claires qui concentreraient la chaleur. Mais ils devraient pourtant savoir comme tout le monde que l'ancien bitume noirâtre concentre davantage la chaleur que des dalles claires qui renvoient les rayons du soleil. Élémentaire, non ? Mais « on ne peut pas faire boire un âne qui n'a pas soif » !
“Nos spécialistes autoproclamés de la culture et du climat veulent une forêt urbaine. Doit-on leur rappeler que cet espace était historiquement construit ?”
“Le choix de surseoir le projet d'espace culturel et touristique est dicté par l'urgence qu'il y a à consolider les jardins de l'Évêché.”
Vous tenez à faire comprendre aux Chartrains que vous ne faites rien au hasard ?
Tout ce qui concerne la cathédrale de Chartres (la première à avoir été inscrite au Patrimoine de l'UNESCO en 1979) est nécessairement regardé par le monde entier, et d'abord par les instances nationales du patrimoine. Le choix des dalles s'inscrit dans une vision globale de l'esplanade, et au-delà de l'ensemble du cloître Notre-Dame. Nos spécialistes autoproclamés de la culture et du climat y veulent une forêt urbaine. Doit-on leur rappeler que cet espace était historiquement construit ? Les maisons canoniales nous en gardent encore aujourd'hui le bel exemple.
Pourquoi croyez-vous que nous ayons progressivement repris le contrôle de l'usage de l'école Gérard-Philipe et du collège Jean-Moulin, dont les bâtiments appartenaient à la Ville ? Pourquoi croyez-vous que nous ayons négocié l'acquisition du palais épiscopal qui accueillait depuis un siècle les collections des Beaux-Arts de la Ville, y compris les jardins de l'Évêché attenants ?
Et parallèlement, nous avons construit un projet qui affectait un nouvel usage à ces bâtiments récupérés ou acquis : dans l'ancienne école prendront place l'Office du Tourisme et à côté la Maison du Patrimoine. Dans le collège, la maison internationale de la Cosmetic Valley. Dans le palais épiscopal, restauré et réorganisé, les collections du musée des Beaux-Arts.
“Dans mon esprit, il n'y a pas de débat. Les Chartrains d'abord !”
Vous avez pourtant décidé d'arrêter le projet d'espace culturel et touristique prévu sous l'esplanade ?
Nous avons décidé de surseoir à ce projet. Un choix dicté par l'urgence qu'il y a à consolider les jardins de l'Évêché. Les remblais qui constituent le sous-sol de ces jardins ont en effet été minés au fil du temps par l'érosion et les infiltrations d'eau. La menace d'éboulement est aujourd'hui réelle. Nous devons consolider cet espace et cela demande beaucoup d'argent. Sous l'esplanade, il s'agit d'un projet essentiellement touristique. Sous et en bas des jardins, nous agissons d'abord dans l'intérêt des Chartrains et notamment des habitants qui vivent en contrebas.
Devant ce choix, dans mon esprit, il n'y a pas de débat. Les Chartrains d'abord ! D'autant que nous pouvons envisager du même coup de régler les gros problèmes de stationnement qui entravent la vie des habitants de la basse ville. Et voyez comme tout se tient. Sous les nouvelles dalles du pourtour de la cathédrale courent des réseaux en tous genres et notamment les réseaux dits « humides » qui vont permettre de régler la question de l'écoulement des eaux pluviales qui descendent du monument et des alentours. Ces eaux justement qui ont miné les sous-sols des jardins de l'Évêché. Mais à certains vous aurez beau montrer la lune, ils regarderont toujours le doigt !
“Le coût des parasols sera intégralement intégré au montant des droits de terrasse payés par les restaurants, et amorti en quelques années.”
Dernières polémiques en date, celles des robiniers et des parasols.
Là c'est du théâtre de boulevard ! Les robiniers devant l'Ange au Cadran étaient malades et moribonds. Normal, leurs racines trouaient des plafonds de caves et ne pouvaient se développer sainement. Il fallait donc les abattre. Notez au passage que leur ombre précaire n'était pas gratuite : il fallait pour en profiter consommer et donc payer aux restaurants adjacents. Nous refaisons à grands frais les dallages du pourtour de la cathédrale. Nous n'allions pas laisser cette homogénéité retrouvée se faire défigurer par des parasols aux couleurs bariolées, façon costume d'Arlequin.
Les parasols qui accueillent du public doivent répondre à des normes de sécurité et de qualité très précises. D'où leur prix qui n'étonne pas les professionnels de la restauration. Mais nos amoureux d'éoliennes ont comme elles le raisonnement intermittent : nous ruinerions la Ville ! 300 000 euros, jugez donc ! Sauf que le coût de ces parasols sera intégralement intégré au montant des droits de terrasse payés par les restaurants, et amorti en quelques années. De plus, le vent pouvant être fort autour du monument, des paravents viendront en limiter les effets.
Enfin, de grandes jardinières y apporteront la touche végétale et fleurie bienvenue. Je n'ai évidemment rien contre les arbres : 8 000 à Chartres en 2001, 13 000 aujourd'hui, tous recensés et entretenus. Plus généralement, et concernant la végétalisation de certains espaces de la future esplanade, nous avons même consulté un paysagiste attitré du ministère de la Culture… Faut-il en rajouter ?